« Lorsque nous avons recensé l’ensemble des dispositifs existants en lien avec la surveillance de la résistance aux antibiotiques, nous ne nous attendions pas à en trouver autant. », raconte Lucie Collineau, chargée de recherche dans l’unité Épidémiologie et appui à la surveillance du laboratoire de Lyon de l’Anses. Entre les surveillances des bactéries résistantes, celles de l’utilisation des antibiotiques et la surveillance de résidus d’antibiotiques dans les aliments ou l’environnement, ce ne sont pas moins de 48 programmes qui étaient consacrés à l’antibiorésistance en France en 2021.
Le projet Surv1Health, financé par le programme Ecoantibio 2, visait à améliorer la transversalité de la surveillance de l’antibiorésistance en France, en ayant une vision complète de ces dispositifs, des acteurs impliqués, des objectifs de chacun et des collaborations déjà en place. L’Anses, Santé publique France et le ministère chargé de l’Agriculture ont mené ce projet de 2020 à 2023.
Surv1Health visait également à renforcer la surveillance dans les domaines pour lesquels les efforts sont insuffisants. Or, si 35 programmes concernent la santé humaine, trois seulement s’intéressent aux aliments et un seul à la détection des résidus d’antibiotiques dans l’environnement. La surveillance en santé animale concerne 12 dispositifs.
Des dispositifs très nombreux et fragmentés
« La multiplicité des programmes s’explique par l’organisation de la surveillance, note la scientifique. Par exemple, pour la santé humaine, ce sont les centres nationaux de référence consacrés à une bactérie en particulier qui surveillent sa résistance aux antibiotiques. En santé animale, la surveillance se structure plutôt par espèce animale. Il existe aussi des réseaux de surveillance très spécifiques, comme le réseau Vigimyc qui surveille les mycoplasmoses des ruminants, et dont une partie de l’activité est consacrée à surveiller l’évolution de la sensibilité des mycoplasmes aux antibiotiques. »
L’ensemble de ces dispositifs produit une grande quantité de données mais de manière très fragmentée. Par ailleurs, les collaborations qui existent déjà entre les spécialistes de la santé animale et de la santé humaine sont généralement le fruit de volontés personnelles de scientifiques plutôt que de collaborations institutionnalisées. « Il n’existe pas d’instance pour coordonner ces surveillances et définir des indicateurs communs. Il manque également un groupe de travail dédié à l’analyse croisée des données collectées. Cela rend difficile une réelle surveillance “ One Health - Une seule santé” », explique Lucie Collineau. Un autre frein est la différence de méthodes employées et de données collectées. Par exemple, la résistance des bactéries à certaines molécules interdites en médecine vétérinaire est surveillée chez l’être humain mais pas systématiquement chez les animaux.
Des projets en cours pour structurer une surveillance One Health de l’antibiorésistance
Le projet Surv1Health a analysé la situation telle qu’elle était en 2021. Depuis, le projet Promise, coordonné par l’Inserm et auquel participe activement l’Anses, a débuté. Ce projet, qui vise à structurer les réseaux existants sur l’antibiorésistance, inclut la construction d’une base de données pour rassembler les résultats des différents dispositifs de surveillance, l’identification d’indicateurs communs d’antibiorésistance, ainsi que des études pilotes pour une analyse conjointe des résultats. Promise vise également à mettre en place un dispositif national de surveillance des bactéries résistantes aux antibiotiques dans l’environnement, notamment dans les eaux de surface. « Les projets Surv1Health et Promise ont été élaborés dans une même optique. Les résultats de l’un nourrissent l’autre. Promise nous permet de répondre aux manquements identifiés dans Surv1health mais comme il ne dure que trois ans, la question de créer une organisation transversale pérenne reste ouverte. »
Des actions pour favoriser la transdisciplinarité au niveau européen sont également en cours avec le projet EU-Jamrai 2 qui vient de débuter et dans lequel l’Anses co-anime notamment les travaux visant à mieux coordonner les dispositifs de surveillance européens et à analyser conjointement leurs résultats.