Mots croisés Patrick Dehaumont et Benoit Vallet Rapport d'activité 2023
Benoit Vallet, directeur général, et Patrick Dehaumont, président du conseil d’administration, nous livrent leur lecture des enjeux à la lumière des activités de l’Anses des dix-huit derniers mois et de ses perspectives.
Harmonisation européenne
BENOIT VALLET.
L’Union européenne (UE) entame un nouveau cycle politique auquel nous serons attentifs. Pour plusieurs de ses missions, l’Anses est tributaire des progrès communautaires en matière d’évaluation des risques et d’harmonisation des règles applicables dans tous les États. En particulier, dans le domaine des produits phytopharmaceutiques, l’Anses est extrêmement vigilante à l’harmonisation des évaluations au sein de l’UE, pour une sécurité et une efficacité optimales. Il est important que les méthodologies d’évaluation s’ajustent à ces objectifs et évoluent pour tenir compte des données les plus récentes sur l’exposition de certaines populations ou encore sur la prise en compte de nouvelles techniques d’application des traitements, par exemple. L’Agence est également vigilante au cas des perturbateurs endocriniens (PE) : alors que la France tire le bilan de sa 2e stratégie nationale, rappelons que la création récente de la classe de danger « PE » dans le règlement européen CLP (« classification, labelling, packaging »), qui permet une prise en compte cohérente de ce caractère pour tous les usages d’une substance, s’est appuyée sur des travaux de l’Anses. Depuis 2022, coordonner le projet européen PARC (« Partnership for the Assessment of Risks from Chemicals ») sur l’évaluation des risques liés aux substances chimiques contribue à renforcer notre place d’acteur de référence et de force de proposition au sein de l’Union.
Synergies entre agences
BENOIT VALLET.
Collaborer entre agences permet de tirer profit des complémentarités et de solliciter plus efficacement la communauté scientifique sur des enjeux communs. Avec l’EFSA (Autorité européenne de sécurité sanitaire des aliments) et l’ECHA (Agence européenne pour les substances chimiques), nos relations sont quotidiennes et nous développons les échanges avec l’EEA (Agence européenne pour l’environnement). Au conseil d’administration et au forum consultatif de l’EFSA, nous soutenons le projet de cadre partenarial entre l’Autorité et ses consœurs nationales. C’est à cette échelle communautaire que nos travaux sur les nouvelles techniques génomiques, la toxicité des PFAS ou l’étiquetage du bien-être animal prennent pleinement sens. Au plan national, une convention de partenariat orientée One Health sera bientôt signée avec Santé publique France, avec qui nous coopérons dans le cadre du dispositif de surveillance active de la grippe aviaire (SAGA) et avec qui nous lançons bientôt l’ambitieuse étude Albane (cf. page 70). Les 30 ans de l’Agence nationale du médicament vétérinaire, qui fait partie de l ’Anses (cf. page 28), font écho aux liens anciens noués avec l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Des équipes de l’Anses et de l’ANSM partageront dans quelques mois un même bâtiment à Lyon, favorisant les passerelles entre santé humaine, animale et qualité de l’environnement.
Accès aux données
PATRICK DEHAUMONT.
Qu’il s’agisse d’expertise scientifique, de vigilance ou d’appui à la crise, l’Agence a besoin d’une recherche scientifique couvrant le champ de ses missions et de banques de données robustes et interopérables. Le conseil d’administration est conscient des importants progrès qui doivent être accomplis dans ces deux registres. Je salue à cet égard la dynamique de l’Agence pour, d’une part, s’impliquer dans la collecte de données nouvelles – par exemple, avec le nouvel Observatoire de la Qualité des Environnements Intérieurs, lancé début 2024 – et, d’autre part, se rapprocher des agences de programme qui vont proposer cet été des axes pour la recherche scientifique française. Le conseil d’administration appuie l’élaboration d’une véritable stratégie Data à l’Anses. À ce titre, les démarches de l’Anses pour inclure l’exposome dans la stratégie d’accélération de la prévention, ou pour aider à structurer le croisement des données de santé et des données environnementales doivent être soutenues. Ces enjeux en matière de données devraient, en outre, être raisonnés au niveau européen et international, dans le cadre d’une santé globale et au-delà des frontières.
Santé et climat
PATRICK DEHAUMONT.
Excellence scientifique, transparence, indépendance, ouverture et dialogue : ces principes fondent depuis 2010 l’engagement des agents et des collectifs d’experts de l’Anses. Au nom du conseil d’administration, je salue la qualité de leur travail et leur fidélité à cette ligne d’action, qui sont sources de confiance envers l’Agence. Si le contrat d’objectifs et de performance 20232027 consacre l’importance de l’approche globale des risques, déployée par l’Anses sous l’enseigne « One Health – Une seule santé », les administrateurs suivent avec intérêt l’intégration du dérèglement climatique dans la grille de lecture des enjeux, méthodes et priorités considérées par l’Agence, ainsi que les avancées enregistrées lors des séminaires internes, dont le récent séminaire des managers organisé en mai 2024. Je serai personnellement attentif aux traductions de ces orientations dans le programme de travail de l’Agence pour 2025 ainsi qu’à l’implication du conseil scientifique international dans ces réflexions.
L’Anses intervient à la fois sur le temps court de la crise et sur le temps long des changements systémiques et globaux qui affectent la santé et l’environnement. Un double défi qui occupe sans relâche ses agents et ses experts, dont je tiens à saluer l’engagement.